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Aspects cliniques de la prise en charge de la petite enfance à la personne vieillissante

Troubles du Comportement Alimentaire: l'anorexie mentale

Dans le cadre de ce cours, nous avons découvert différentes pathologies ainsi que leurs effets sur les personnes concernées. Pour chacune d'elles, la prise en charge médicale, ainsi que l'accompagnement orthopédagogique ont été brièvement abordés. C'est pourquoi, il nous a été demandé d'approfondir l'une d'elles ou encore, de développer une autre pathologie au choix. Pour ma part, j'ai décidé d'approfondir la problématique des Troubles du Comportement alimentaire, et plus précisément l'anorexie mentale. 

Aspects historiques généraux des TCA[1]

L’évolution historique des descriptions de l’anorexie mentale et de la boulimie vont dépendre de plusieurs réalités mouvantes telles que l’aspect clinique, la fréquence de ces affections, l’expression symptomatique de celles-ci et des mentalités médicales qui les gouvernent. Ces réalités elles-mêmes vont dépendre de facteurs interdépendants tels que les relations familiales, la position des femmes adultes et des adolescent(e)s, les attitudes sociales à l’égard de l’alimentation, du corps, de la santé et de la sexualité, sans oublier l’image sociale de l’anorexie et de la boulimie : autant de domaines qui subissent de grands changements au cours des années. 

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Les observations reconnues d’antan, liées à ces pathologies :

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Premières entrées de l’anorexie dans le champ de la clinique psychiatrique moderne :

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  • 1869 : « Boulimie avec excès de torpeur ou vomissements »

  • 1873 : « L’anorexie hystérique » par Lasègue,

  • 1874 : « L’anorexie nerveuse » par Gull,

  • 1950 : Reconnaissance de « l’anorexie mentale » et de ses manifestations symptomatiques diverses (vomissements, purgation, restrictions alimentaires,…).

  • 1979 : « Boulimie nerveuse » avec la reconnaissance d’un passé anorexique parmi les patientes observées par RUSSEL,

  • 1980 : Le DSMIII : à l’opposé de RUSSEL, il exclut l’antécédent de l’anorexie mentale de la boulimie nerveuse.

  • 1987 : Le DSM-III-R qui rend possible les diagnostics simultanés entre l’anorexie et la boulimie.

  • 1994 : Le DSM-IV et la classification officielle de l’OMS : adoptent une position semblable au DSMIII.

Autrefois, on attribuait la perte de poids liée à l’anorexie mentale et à la boulimie à l’absence de digestion et non à la restriction alimentaire. Néanmoins, il est étonnant de constater qu’aucune de ces observations n’a stipulé le symptôme de «la peur d’être gros(se)» ou de la recherche effrénée de la minceur chez les personnes concernées par ces pathologies.

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Qu’est-ce que l’anorexie mentale ?[2]

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L’anorexie mentale débute généralement entre 14 et 17 ans. Habituellement, au départ, l’adolescent(e) se sent, gros(se) et décide d’entamer un régime alimentaire. L’ados justifie cette décision suite à des moqueries que sa prise de poids lui incombe.

En réalité, dans de nombreux cas, l’excès de poids est relativement léger et est vraisemblablement lié aux changements corporels induits par la puberté, l’augmentation des tissus adipeux et l’apparition des courbes féminines chez les filles. Cette peur du changement corporel entraîne le désir de minceur.  Pour d’autres cas, l’anorexie mentale est liée à un surpoids vécu lors de la petite enfance ou lors de l’adolescence qui suscite des remarques acerbes de la part de l’entourage familial, social et parfois médical.

Enfin, le régime ou la restriction alimentaire peuvent également être liés à une rupture sentimentale ou une  lubie alimentaire et nutritionnelle. Toujours est-il que le passage d’un régime banal aux conduites anorectiques se fait plus ou moins de manière progressive. D’ailleurs, très souvent, la préoccupation première de ces personnes est de perdre quelques kilos et non de sombrer dans une anorexie mentale.

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Quelques facteurs conduisant à dégénérescence de la restriction alimentaire : résistance aux sensations de faim qui peuvent susciter un sentiment de fierté, de toute-puissance, d’euphorie, de pureté interne. Le type de régime suivit peut être inadapté,  une apparition précoce de distorsion de l’image corporelle, … 

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  • Conséquences physiques : acuités accrues de leurs sens, hyperactivité physique qui s’étend aussi dans la vie sociale, parfois.

  • Conséquences psychosociales : insatisfaction corporelle, troubles de l’estime de soi, manque de confiance en soi à bien des égards, rejet de la sexualité,…

  • Stratégies pour compenser la faim : couper la faim avec de l’eau ou des stratégies psychologiques telle que se dire que l’alimentation n’est qu’une gourmandise.

 

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Les différentes phases de l’anorexie mentale :

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A)    La phase d’optimisme : l’amaigrissement:

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Il s’agit de l’atteinte de poids désiré grâce aux restrictions alimentaires importantes tant dans la quantité que dans la qualité. A ce stade, ces personnes développent une hyperactivité scolaire, physique et intellectuelle.

 

En effet, pour compenser le sentiment de la faim, elles se réfugient dans leur scolarité. Ce comportement aura un impact positif sur leurs résultats scolaire, les activités sportives qu’elles vont pratiquer de manière intensive ou encore dans la vie sociale grâce au sentiment de toute-puissance acquis grâce aux différentes réussites citées.

La durée de cette phase va, peu à peu, être menacée par un sentiment de perte de contrôle ou de maîtrise sur tous les domaines cités ci-dessus. Ces inquiétudes peuvent très rapidement devenir envahissantes. Dès lors, pour manifester à nouveau leur maitrise, ces personnes décident de perdre davantage de poids par un renforcement de la dénutrition. D’autres s’abandonnent aux excès alimentaires et sombrent dans un sentiment de honte et de culpabilité profonde.

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B)     La phase de déni, de désillusion et de détresse:

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C’est bien souvent lors de ce stade qu’à lieu la première consultation chez un spécialiste, suite à l’amaigrissement devenu spectaculaire de la personne. Le poids et l’alimentation sont les préoccupations premières et envahissent toute la sphère psychologique et mentale, lesquelles n’atténuant pas pour autant les perturbations du corps. D’ailleurs, beaucoup de patient(e)s peuvent déclarer, lors des premières consultations, ne pas en souffrir. Les attitudes de réticences, de déni, la confusion des sensations et la mauvaise perception des sensations de faim qu’aggrave la dénutrition rendent très difficile l’obtention d’informations objectives sur ce qu’éprouve ces individus.

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C)     Les perturbations de l’image du corps:

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La peur de grossir persiste malgré l’amaigrissement. Ces perturbations font l’objet d’un ensemble d’attitudes qui concernent le poids et la forme du corps, dominé par une hantise de grossir. L’infime pli de peau peut être soumis à de multiples vérifications, prise de mensurations, pensées et examens draconiens devant le miroir. Même très maigre, ces personnes peuvent se trouver ordinaire et camper dans le déni. 

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D)    Les manifestations physiques de la dénutrition:

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La dénutrition est responsable de : l’amaigrissement, la sécheresse de la peau, le lanugo ou l’acrocyanose, la réduction des ressources énergétiques qui provoque une intolérance au froid,  une diminution de la température cutanée et centrale, une perturbation de la thermorégulation, une diminution du métabolisme basale, une diminution potassium total corporel, faiblesse musculaire, fatigue intense et bien d’autres carences et complications encore.

 

E)     Les manifestations psychologiques de la dénutrition:

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Elles se manifestent par des difficultés de concentration et de mémorisation, une perturbation du fonctionnement intellectuel, symptômes dépressifs, instabilité de l’humeur, irritabilité, diminution des émotions positives, perte de plaisir et désintérêt qui s’étend jusqu’aux activités sociales, scolaires et sportives et qui conduisent fatalement à un isolement social. Elles peuvent même être à  l’origine de sentiment de dépersonnalisation et de symptômes psychotiques.  

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F)     Le déni du retentissement:

Parmi ces personnes, peu d’entre elles reconnaissent leurs difficultés mais les minimisent : « Je suis bien consciente que je suis moins en forme physiquement. Forcément, j’ai un peu moins d’énergie. ». Lors de cette phase, la prise de poids est généralement encore refusée. Dès lors, la personne en situation d’anorexie reçoit l’alerte de l’entourage face à la nécessité de prise de poids comme une annonce contraignante et menaçante, qui l’expose à des sentiments vides, de désorganisation psychique et d’angoisses insupportables.

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G)    Phase de reprise de poids:

Cette phase soumet ces personnes à une perte de contrôle, d’intrusion, de déformation monstrueuse de leur corps. Leurs angoisses s’accroissent par une intolérance digestive liée aux modifications alimentaires.

Peu à peu, grâce à une prise en charge adaptée et bienveillante, au soutien psychologique, les sensations physiques et psychologiques vont s’atténuer. Toujours est-il que ce travail est très chronophage.

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Les relations entre l’anorexie mentale et la boulimie : quelques données brèves.

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En réalité, l’anorexie mentale et la boulimie ont toutes les deux une sémiologie commune, centrée sur les préoccupations qui concerne le poids, les formes du corps, qui donnent lieu à des comportements extrêmes du contrôle du poids et de la dynamique pathogène qui fige l’évolution des personnes concernées.

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La boulimie est fréquente dans l’anorexie mentale : approximativement, 50% des anorexies mentales présentent des conduites boulimiques, marquées par des frénésies alimentaire et des vomissements[3].

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Même sans antécédents d’anorexie mentale, les personnes souffrant de boulimie peuvent perdre autant de poids qu’une personne en situation d’anorexie mentale, en raison d’un surpoids initial.

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Quelques points communs :

  • Peur d’être, de paraître, de devenir une personne ayant un excès de poids

  • Perturbation de l’image du corps dont le volume est généralement surestimé.

  • L’humeur dépressive et difficulté à prendre ou éprouver du plaisir

  •  …

 

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Traitement et prise en charge médicale, psychosociale et orthopédagogique  de  l’anorexie mentale :[4][5][6]

 

1) L’hospitalisation :

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Les objectifs principaux de l’hospitalisation sont les suivants :

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  • La rééducation nutritionnelle et la normalisation du poids

  • L’initiation de la thérapie individuelle et familiale

 

L’hospitalisation œuvre, avec la participation active du patient, à ce que ce dernier atteigne son poids optimal suivant sa taille et son poids. Toutefois, les méthodes utilisées doivent être modérées, plurielles, bienveillantes, progressives et adaptées au rythme et à la capacité du patient. La re-nutrition fait donc partie intégrante de l’hospitalisation et du traitement.

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Dans le cas de l’hospitalisation, on insiste énormément sur le caractère « progressiste » de la reprise du poids. Si la prise de poids se fait de manière trop rapide, celle-ci pourra malencontreusement provoquer des vomissements et autres comportements boulimiques.

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Aussi, il est nécessaire de prendre en considération la réintroduction des activités sociales afin de renforcer une bonne reprise de poids, en évitant ainsi les éventuelles rechutes.

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Les relations familiales et parentales peuvent se manifester par une séparation complète ou non. Tout dépend des relations que la patiente entretient avec ses proches. Une coupure volontaire avec ces derniers pourrait faciliter la multiplicité des intervenants, en dehors de toute influence ou injonction parentale/familiale. 

 

2) La thérapie familiale : l’approche systémique

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Les thérapies familiales, malgré leur diversité, elles convergent toutes vers un objectif commun : éloigner la personne en situation d’anorexie mentale des relations toxiques et restaurer un climat familial favorable à son développement et à son autonomie. Pour se faire, l’implication et le consentement émotionnel des parents sont primordiaux.

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La thérapie systémique met en avant le rôle important des parents dans le processus de guérison de leur enfant et minimise leurs résistances possibles. A l’issue de cette thérapie, les parents peuvent être réorientés vers une thérapie conjugale si cela s’avère nécessaire. La personne en situation d’anorexie mentale peut, quant à elle, être réorientée vers une thérapie individualisée.

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Enfin, la thérapie systémique pourrait aussi, dans certains cas, mettre en avant ou établir un lien de causalité entre le désordre alimentaire chez l’enfant et un dysfonctionnement conjugal.

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3) La Psychothérapie cognitivo-comportementale :[4]

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La thérapie comportementale est née de la mouvance psychothérapique, impulsée autrefois par des auteurs importants tels que Freud, Janet, Charcot et d’autres encore. Depuis quelques décennies, la thérapie comportementale est associée à la thérapie cognitive. Sa particularité est qu’elle se focalise sur l’ici et maintenant. Il en résulte qu’à l’inverse de nombreux courants de pensée, cette thérapie cognitive et comportementale ne se limite ou ne s’appuie pas exclusivement sur les réactions des traumatismes passés.

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La pensée directrice de cette thérapie est que seul le présent peut modifier, améliorer ou guérir la situation d’une personne, contrairement aux évènements antérieurs qui seront immuables à tout jamais. 

En réalité, cette thérapie cognitive et comportementale agit de manière simple et très efficacement pour la plupart des patients. Le praticien de cette thérapie prend le temps avec le patient d’établir une liste reprenant ses peurs, ses angoisses, ses frustrations, et tous les autres freins qu’il peut rencontrer face à la problématique pour laquelle le patient vient consulter. Ensuite, le thérapeute invite le patient à faire un travail d’imagination sur chacune de ses peurs,  lors des séances de relaxation, de manière à ce que le patient apprenne à maîtriser l’anxiété qu’elles provoquent, en leur associant un sentiment de détente agréable. Voici l’une des premières étapes de cette thérapie. 

 

Pour le cas de l’anorexie, le thérapeute œuvre avec le patient dans l’atteinte des objectifs suivant :

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  • Améliorer l’estime de soi et l’image du corps

  • Développer des mécanismes de défense face aux éléments déclencheurs de crises

  • Apprentissage à repérer les états émotionnels

  • Activité physique

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Prise en charge et intervention de l’orthopédagogue :

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Etablir un plan d’action à destination des patients en situation d’anorexie, est un travail qui se fait de manière pluridisciplinaire. L’objectif principal de l’intervention de l’orthopédagogue est d’amener le patient vers un bien-être, vers un mieux. En ce sens, il devra veiller à féliciter et à mettre en avant les « petites victoires » du patient lors de sa prise en charge.  L’avantage du statut de l’orthopédagogue, c’est qu’il n’est pas médecin. De ce fait, puisqu’il ne fait pas directement parti du corps médical, il peut utiliser ce biais pour intervenir plus facilement auprès du patient en situation d’anorexie.

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L’orthopédagogue peut travailler en collaboration avec le corps médical, les psychologues, les psychomotriciens, les nutritionnistes et tous les thérapeutes qui prennent en charge ces patients. En effet, après avoir effectué plusieurs observations et étudier les besoins spécifiques du patient, il peut réfléchir à mettre en place des activités spécifiques pour ces patients.

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Nous pourrions penser à une activité qui tourne autour de la nutrition, permettant aux patients de redécouvrir le plaisir de la table et des aliments. Le fait de mettre les aliments au centre de l’activité permet de contourner partiellement le trouble que l’aliment pourrait provoquer une fois ingéré.

Ensuite, nous pourrions également imaginer de nouvelles activités qui permettraient une meilleure perception du corps via des techniques de détente et de relaxation, la sophrologie ou encore la fasciathérapie chez ces patients, avec l’aide d’un(e) psychomotricien(ne) ou d’un(e) kiné(e).

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De plus, l’orthopédagogue pourrait initier la mise en place d’un groupe de parole ou encore l’animer à l’aide d’outils qui permettent d’ouvrir le débat et de favoriser l’échange au sein de ce groupe de parole.

Toutes ces thérapies permettent, in fine, une mise en synergie du travail psychique, corporel et médical.

Enfin, l’orthopédagogue doit être conscient de la place importante qu’occupent, souvent, les parents. Il faut leur accorder cette place de co-thérapeute dans les soins prodigués à leurs enfants en situation d’anorexie.

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Conclusion :

L’anorexie mentale touche davantage les filles que les garçons. Ces personnes se retrouvent dans un état d’angoisse qu’elles tentent de compenser par un contrôle drastique de leur alimentation. Ce contrôle est une manière pour elles de retrouver de l’estime pour elles-mêmes et de canaliser leurs angoisses.

Au-delà de la prise en charge médicale et de la rééducation alimentaire, l’objectif principal des thérapies proposées à ces patients est, avant tout, de leur donner une meilleure image et estime d’elle-même. On travaille pas à pas avec le patient, dans le processus de guérison.

 

Bibliographie générale:

 

  • [1]CHARBOL, H., L’anorexie et la boulimie d l’adolescente, éd. Que sais-je, 2004, Paris,  p. 10- 30

  • [2] Ibidem, p. 7-12

  • [3] Ibidem 1 p. 19 

  • [4] Dr. PERROUD, A., Faire face à la boulimie : comment traiter son trouble par soi-même, éd. RETZ, 2002, Paris, 220p.

  • [5] AZZAM, J. et SHANKLAND, R., L’anorexie : un guide pour comprendre, éd. De la martinière, Paris, janv. 2018, 105 p.

  • [6] HERVAIS, C., Boulimie anorexie : guide de survie pour vous et vos proches, éd. InterEdition, Paris, 2015, 176p.

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