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Méthodologie des apprentissages de base

Dans le cadre du cours de méthodologie des apprentissages de base, je suis allée à la rencontre d’un élève ayant bénéficié de la méthode des « alphas », lors de sa troisième année en maternelle. Dans le travail qui suit, je débuterai par une brève présentation de cette méthode. Je poursuivrai ensuite par une analyse des compétences mobilisées par cette méthode, ainsi que les avantages et les inconvénients de celle-ci.

En dernier lieu, je présenterai la méthode de lecture enseignée à l’élève interrogé en première primaire afin d’avoir une analyse plus globale sur la transition méthodologique et pédagogique de la 3e maternelle à l’entrée dans le fondamental primaire.  

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La planète des « alphas » : de quoi s’agit-il?[1]

 

C’est une méthode d’apprentissage de la lecture qui a transféré tout le système alphabétique dans un univers chatoyant et adapté à l’univers de l’enfant. Cette méthode a été conçue par Mme. Claude Huguenin, pédagogue et spécialiste dans la remédiation des troubles du langage écrit, en collaboration avec le philosophe Olivier Dubois. Leur collaboration à donner naissance à un conte fantastique au sein duquel les Alphas, héros du conte, prennent la forme des lettres de l’alphabet. Chacun des Alphas incarne une lettre et émet le son de la lettre qu’il représente.

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L'enfant va d'abord prendre connaissance de ces personnages, de leurs histoires et des sons qu'ils émettent. Ils découvrent ensuite que pour échapper à la vilaine sorcière Furiosa, ces personnages doivent se cacher dans les livres et les cahiers. C’est pourquoi les personnages se transforment en lettres de l'alphabet afin de ne pas être reconnu par celle-ci.

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La méthode se travaille en trois temps et présente ses objectifs comme suit :

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  1. Découverte du principe alphabétique et acquisition des correspondances phonème-graphème élémentaires (un phonème ou “son” est représenté par une lettre). Lecture de mots, de phrases et de textes comportant exclusivement des correspondances phonème-graphème élémentaire.

  2. Découverte et acquisition des correspondances phonème-graphème plus complexes, tels les digraphes et les trigraphes : « ou », « an », « on », « in », « eu », « oi », « oin », « gn », « ill », « ien ». Lecture de phrases et de textes intégrant ces correspondances plus complexes.

  3. Découverte et acquisition des manières les plus courantes d’orthographier un même phonème (exemple : /o/ => « au », « eau »). Règles de correspondance contextuelles qui ont pour effet de changer la valeur phonétique et donc la prononciation de certaines lettres (exemples : « g », « c », « s »). Lecture de textes intégrant ces nouvelles notions. [2]

Voici un extrait du témoignage d'Ilyes, un enfant ayant bénéficié de la méthode des alphas en 3e maternelle. Ce dernier est actuellement en 2e primaire. :Il témoigne donc avec plusieurs années de recul. 

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"Lorsque Madame nous présentait une nouvelle lettre en forme de figurine, on devait se rendre à deux devant la classe. Ensuite, on devait dessiner, avec le doigt, la nouvelle lettre dans le dos du copain. C'était chouette parce qu'en plus d'apprendre une nouvelle lettre, mon copain me faisait comme un petit massage dans le dos pour m faire découvrir la forme de la lettre.

 

Aussi, nos figurines "alphas" étaient aimantées. Du coup, on pouvait les positionner sur le tableau pour former notre prénom ou recopier un autre mot. On avait aussi un manuel pour s'entraîner à écrire les lettres correctement et à lire des syllabes. C'était avec le manuel Pilotis. D'ailleurs, quand on apprenait de nouveaux mots, madame les écrivait et les mettait dans une "boite à mot". A la fin de la semaine, chacun piochait un mot dans la boite et on devait essayer de le déchiffrer. Et puis, à partir de ce mot, on devait inventer une phrase oralement. (…) A la maison, maman ou papa me lisaient beaucoup de contes et m'expliquaient les mots difficiles. Maman faisait parfois de la pâte à modeler avec moi pour en faire la forme des lettres de l'alphabet."

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Voici quelques images des manuels de lecture et d'écriture depuis sa 3e maternelle jusqu'à la fin de sa première primaire (en plus de la méthode des alphas):

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En 3e maternelle, Ilyes utilisait ce manuel qui mobilise différentes compétences, dont l'écriture:

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Ensuite, en primaire, 3 manuels du "Pilotis" ont été utilisés. L'un, pour l'apprentissage du code. Le second, pour la compréhension à la lecture et le dernier, destiné aux exercices. Ces livres contiennent également les personnages de la méthode "Borel-Maisonny" comme un appui, afin de travailler davantage la manipulation des sons et de permettre une plus grande maîtrise dans la prononciation des mots et des syllabes.

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Pour le second ouvrage qui vise à travailler la compréhension à la lecture, ce dernier s'accompagne d'une série de livrets comprenant 5 albums (4 de littérature jeunesses et 1 documentaire) . Les élèves commencent par lire l'un de ces livres, pour ensuite, répondre aux questions correspondantes aux histoires dans les albums. Ce manuel adopte une approche progressive basée sur la compréhension, le vocabulaire et la production écrite.  

 

Voici un exemple, en images, ci-dessous:

 

 

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Enfin, voici le troisième livre  "Pilotis" destiné aux exercices. A travers celui-ci, les élèves sont guidés par des logos. De plus, chaque leçon est organisée en page double afin de rendre le contenu plus limpide. Le titre va permettre d'identifier le phonème auditivement et de visualiser ses graphies. Le personnage de méthode Borel-Maisonny mime le sons, ce qui va permettre à l'enfant de s'approprier le son. Ce personnage constitue un support gestuel et un repère visuel. Enfin, les exercices en rouge vont, quant à eux, travailler le vocabulaire notamment par le biais de la catégorisation, comme présenté sur la photo ci-dessous. 

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Analyse de la méthode, à la lumière des concepts théoriques vus au cours :[4]

 

 

Qu'elle est la méthode utilisée par l'institutrice?

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Comme indiqué plus haut, la méthode des alphas est une méthode syllabique (ou synthétique) puisque les enfants apprennent les lettres de l'alphabet une à une ainsi que la correspondance graphème-phonème. En maternelle, l'institutrice accompagne cette méthode d'un manuel d'écriture pour initier l'enfant à celle-ci. Arrivé en première primaire, les enfants ont plusieurs supports de lecture et d'écriture qui s'ajoutent à la méthode des alphas. De ce fait, on peut dire que l'institutrice  fait l'usage d'une méthode mixte puisqu'elle utilise, en combinaison,  la méthode syllabique et la méthode globale. Comme nous l'avons vu au cours, il est important d'utiliser une méthode globale pour travailler le sens de la lecture, en parallèle de la méthode syllabique. 

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Quelle voie de lecture la méthode des alphas développe-t-elle?

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La planète des alphas repose sur une méthode synthétique. Cette dernière part de petites unités phonémiques en travaillant sur la correspondance graphèmes-phonèmes. En ce sens, elle se focalise essentiellement sur le principe du décodage. Au niveau phonologique, elle est directement associée à la voie d’assemblage. L’objectif étant d’amener l’enfant, par la combinaison des graphèmes, à lire des syllabes, des mots et enfin, des phrases entières. Néanmoins, la voie d'assemblage s'avère être plus lente que la voie d'adressage puisqu'elle ne permet pas la lecture des mots irréguliers. En réalité, vu que la méthode des alphas est basée sur le principe du décodage, ce dernier ne peut s'appliquer à la lecture des mots ayant une orthographe irrégulière. 

 

 

Selon le modèle développemental de Frith: 

 

Si l'on se réfère aux différents modèles qui rendent compte du développement de la lecture et de l'écriture de l'enfant, nous pouvons dire que la méthode des Alphas se situe au niveau alphabétique (ou syllabique).  En effet, ce dernier repose sur les propriétés phonétiques de notre alphabet et a comme base, les lettres et les sons. Une fois que ceux-ci sont maîtrisés, l'enfant apprend à les composer en syllabes puis en mots. 

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Concrètement, puisque la méthode des alphas sollicite la voie d'assemblage, les enfants prennent conscience que les mots se composent de lettres et que chacune d'elle possède un son qui lui correspond (= la correspondance graphème-phonème). Dans un second temps, lorsque l'institutrice demande aux enfants d'effectuer des exercices d'écriture dans leurs manuels, ils arrivent au stade orthographique. Ce dernier va se renforcer progressivement tout au long de l'année grâce aux nombreuses activités sollicitant l'encodage orthographique. 

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La conscience phonologique:

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La méthode des alphas mobilise principalement la conscience phonémique. Les enfants comprennent qu'un mot se constitue d'une suite de phonèmes.  

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Qu'elle est l'approche utilisée par l'institutrice? 

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Il me semble que la méthode utilisée par l'institutrice fait l'objet d'une approche traditionnelle puisque ce sont des manuels spécifiques qui constituent le point de départ de l'apprentissage. En effet, l'institutrice ne part pas de textes rédigés à partir du vécu des enfants, mais plutôt de livres conçus pour l'apprentissage de la lecture et de l'écriture.

Les avantages de la méthode des « alphas »:

 

  • Grâce à cette méthode, l’enfant apprend de façon active, à son propre rythme et de manière autonome. Il s’approprie le monde par le jeu et cette méthode est adaptée à l’imaginaire de l’enfant.

 

  •  Il s’agit d’une méthode phonémique, qui est donc basée sur le son et où chaque lettre est mise en scène. La seconde étape va être l’association de la consonne longue puis courte.

 

  • C’est une méthode qui oblige l’enfant à faire attention précisément à chaque lettre, à chaque graphème du mot.

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  • Grace à l’apprentissage du code, l’enfant va porter son attention sur toutes les lettres du mot pour le décoder. De ce fait,  cette méthode aide l’enfant à enraciner le mot dans une mémoire orthographique qui n’est autre que son lexique orthographique.

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  • Elle met un point d’honneur sur l’oralisation et la prononciation des lettres.

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  • Elle amène l’enfant à la découverte de la lecture de façon naturelle et instinctive.

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  • Cette méthode est composée de plusieurs supports ludiques tels qu’un conte, un dessin animé, des figurines et un plateau de jeu. Ces supports vont permettre à l’enfant de nouer une relation affective avec les alphas. Celle-ci va leur permettre d'entrer dans « la combinatoire » (= fusionner les sons des mots) en confiance et de manière ludique.

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  • Le guide d’utilisation fourni pour chacun des supports est limpide et concis.

 

Selon les créateurs de cette méthode, elle permet[3] :

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  1. D’enrichir le vocabulaire et de développer le langage oral des élèves pour une meilleure compréhension de l’écrit

  2. D’apprendre à traiter les inférences et les anaphores

  3. De savoir argumenter et justifier ses choix

  4. D’être capable d’élaborer des stratégies facilitant l’accès au sens des textes

  5. De savoir analyser de manière critique des textes et des images

  6. De découvrir le monde et diverses situations de la vie quotidienne 

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Les inconvénients de la méthode des « alphas » :

 

  • Certains élèves éprouvent des difficultés à modifier leurs conceptions et à se détacher de cet univers particulier, et restent « attachés » aux personnages.

 

  • Avec cette méthode, les élèves ne passent à l’écrit qu’une fois avoir vu toutes les lettres. Ils accumulent donc un « retard », en comparaison avec les autres classes qui n’utilisent pas la méthode des alphas.

 

  • Une transition continue doit se faire entre la troisième maternelle et la première primaire afin que la première partie (la partie ludique) qui consiste à découvrir les Alphas se fasse en troisième maternelle et que la seconde partie qui consiste à travailler sur la correspondance phonème – graphème se fasse en première primaire.

 

  • Le décodage entraîne chez l’enfant un coût cognitif très important. La lecture de l’enfant peut être très décomposée. De ce fait, l’enfant ne comprend pas toujours ce qu’il lit au vu de toute l’énergie cognitive qu’il met à déchiffrer les lettres. La mémoire de travail est donc fatalement impactée elle aussi puisqu’arrivé à la fin de la phrase, le début est généralement déjà oublié. Le sens de la phrase n’est donc pas toujours aisément perçu.

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Conclusion

 

La méthode des alphas permet aux enfants, au travers d’un récit, de se familiariser avec chacun des personnages ainsi qu’avec le son que chacun d’eux émet. Lorsque cette méthode est utilisée en maternelle, l’enseignant se basera essentiellement sur le conte des alphas, sur le sens de l’histoire, sur le visuel. Cela a effectivement été le cas pour l’enfant que j’avais interrogé. Il n’avait donc pas encore de contact avec l’écrit, si ce n’est à travers les lettres-figurines que représentent les personnages de l’histoire. En ce qui concerne l’apprentissage des syllabes, elle s’est faite de manière progressive par le biais des petites histoires des figurines, qui se rassemblent pour former des syllabes.

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L’avantage de cette méthode, c’est qu’elle permet dès la maternelle, de travailler le phonème, la correspondance graphème-phonème, la fusion phonémique et la syllabe. Aussi, les enfants accrochent assez facilement dès le début grâce aux différents supports (dessin animé, figurines, conte, …). Ces supports permettent la manipulation tactile des lettres puisque les figurines sont mobiles. Cette mobilité permet également aux enfants de recomposer les lettres de leur prénom, des petites syllabes ou de petits mots fonctionnels et fréquents.

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Cette méthode permet également le développement du rapport affectif entre les personnages et les enfants. Elle s’avère être très utile quand il est question de restaurer la confiance en la lecture entre l’enfant et la lecture (en première et deuxième). Néanmoins, le passage des figurines aux lettres imprimées jusqu’aux cursives peut s’avérer être difficile pour certains enfants.

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Enfin, cette méthode est une méthode syllabique et ne peut donc suffire à elle seule. Il est primordial de la travailler avec d’autres supports en parallèle telle que la reconnaissance orthographique des mots (méthode globale), la méthode Borel Maisonny comme vue avec l’enfant interrogé, des textes de littératures de jeunesses afin d’enrichir leur vocabulaire même si l'enfant ne sait pas encore parfaitement déchiffrer ou lire un texte seul.

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Bibliographie générale:

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Source de l'image: http://www.jornalagora.info/lettres-des-alphas-al11.asp

[1] HUGUENIN, C et DUBOIS, O., La planète des alphas : cahier pratique : introduction et premières activités, éd. Récréalire, 2017

[2] La planète des alphas : une découverte unique et ludique de l’univers de la lecture totalement adaptée aux enfants, in http://www.gaisavoir.be/Produits/alphas/alphas.html, 2017 (Consulté le 20 octobre 2018)

[3] Ibidem 2

[4]GENARD, N., Méthodologie et apprentissages de base, Defré HE2B, Bruxelles, 2018-2019

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